Les violences numériques au travail : Comprendre le phénomène, ses impacts et les bonnes pratiques à adopter en tant qu’employeur

Les violences numériques au travail sont malheureusement de plus en plus fréquentes dans le contexte professionnel.
Ce phénomène peut avoir des conséquences graves sur les individus et les organisations.
Il est essentiel de comprendre ce problème, d'en mesurer les impacts et de connaître les bonnes pratiques à mettre en place en tant qu'employeur.
Il existe peu d’études sur la question des violences numériques au travail. Or, la diffusion des outils numériques en contexte professionnel, participe à la prévalence des violences numériques en contexte professionnel.
DE L’INCIVILITÉ À LA VIOLENCE NUMÉRIQUE AU TRAVAIL
Selon Aurélie LABORDE, auteure du livre Violences numériques et résistances au travail, les violences numériques sont invisibles et largement tolérées dans les organisations, alors même qu’elles produisent de la souffrance, intentionnelle ou non, conscientisée ou non par les acteurs. La chercheuse en sciences de la communication présente trois types d’incivilités numériques qui participent à engendrer de la violence numérique au travail à savoir :
Les incivilités numériques “formelles”
Les incivilités numériques dites “formelles” proviendraient contenu, et de ou de forme inappropriée de messages. Elles concerneraient notamment les contenus verbaux des messages (vocabulaire employé, registre de langage, ton, injonction et formule de politesse) et non verbaux (usage des tailles de polices de caractères, de la couleur, des majuscules, des sous ou surlignés, de la ponctuation et éventuellement des émoticônes).
Les incivilités numériques dites d’usage
Les incivilités numériques d’usage correspondraient à des usages inappropriés des outils qui entraîneraient des effets néfastes sur les récepteurs. A titre d’exemple, on retrouve dans cette catégorie : des usages qui accentuent la pression sur les individus comme mettre tout le monde en copie concernant un échange individuel ; sollicitation multicanale des usages qui accentuent la surcharge informationnelle, redondance à but de sollicitation, ce qui entraînent des conflits de temporalité comme l’exigences de réactivité ou de temps réel, abus de l'urgence, non-respect de la séparation, professionnelle .
Les incivilités numériques "automatisées"
Les incivilités numériques automatisées sont directement intégrées dans le design des outils de travail soit dans la conception initiale, soit dans la façon dont ils sont programmés par la suite. On peut citer ici un certain nombre d'applications de gestion qui intègrent les automatismes quelquefois intrusifs. C'est le cas par exemple des workflows programmés avec accusé de réception automatique par mail, qui peuvent générer une surcharge de centaines de courriels par jour. La programmation que l'on fait de sa messagerie de façon permanente ou temporaire peut aussi entraîner des incivilités, automatisation des formules de politesse déshumanisantes, les échanges message no reply, etc...
Enfin, les incivilités numériques, répétées peuvent conduire à des situations de cyberharcèlement (cf : d’agissements qui compromettraient le bien-être physique, mental ou moral d’un salarié à travers les outils de communication électronique) vis-à-vis des salariés qui en sont la cible.
LES FACTEURS DE RISQUE DE VIOLENCES NUMÉRIQUES DANS LES ORGANISATIONS
Si le risque de violences numériques au travail est présent dans toutes les organisations, il y a cependant des terrains plus à risque de voir apparaître ces formes de violences au travail. Voici les facteurs de risque favorisant l’apparition de ce type de violences :
Une culture d’entreprise “permissive” : Les études les plus récentes sur le cyberharcèlement et les cyber agressions dans le cadre professionnel montrent un lien direct entre les cultures organisationnelles et la fréquence des violences numériques au travail. Les organisations que les chercheurs qualifient de permissives ne font rien pour décourager les agressions, voire les facilite en ne faisant rien pour les faire cesser alors même qu’elles sont connues de la hiérarchie. Il s’agit généralement d’organisations qui nient toutes responsabilités des formes organisationnelles dans le harcèlement au travail, encourageant les victimes comme les auteurs à réagir et à gérer les phénomènes individuellement. Dans ces cultures organisationnelles permissives, se plaindre d'incivilité numérique au travail apparaît alors comme une marque de vulnérabilité. Cette absence de débat de mise à jour du phénomène, pourtant avéré et fréquent dans les organisations, participe ainsi à amplifier la vulnérabilité des individus et des collectifs qui ne peuvent plus se reposer sur un contexte et un réseau relationnel qui les protègent.
L’absence de cadre d'usage des technologies numériques est un des principaux facteurs susceptibles de générer des incivilités. Il s'agit ici de cadres produits à l'échelle des équipes de travail à partir de pratiques de communication concrètes et non de réglementation générale sous forme de charte, rarement connue et respectée car souvent trop générale pour prendre en compte des spécificités des contextes de proximité.
Les relations de travail conflictuelles et dégradées : La recherche montre ainsi que les incivilités numériques sont souvent perçues comme telles quand la relation est dégradée. Par ailleurs, on pardonnera une maladresse à une personne avec qui on a de bonnes relations. On ne pardonnera pas ou même on surinterprètera une maladresse venant d'un interlocuteur avec qui nous avons de mauvaises relations. Quand le conflit et la souffrance existent par ailleurs, les incivilités numériques sont convoquées au titre de preuve et d'objectivation du problème d'où l'importance de ne pas euphémiser ou banaliser.
LES CONSÉQUENCES DES VIOLENCES ET INCIVILITÉS NUMÉRIQUES AU TRAVAIL
Les violences numériques au travail ont des conséquences très néfastes sur la santé mentale et le bien-être des personnes ciblées. Elles peuvent entraîner du stress, de l'anxiété, un isolement social, voire des troubles psychologiques graves tels que la dépression ou le syndrome de stress post-traumatique. Sur le plan organisationnel, la cyberviolence peut générer un climat de travail toxique, une dégradation du climat social, une baisse de la productivité et une augmentation du taux d'absentéisme.
